Si le cœur t'en dit ...

Quand le vent souffle sur la plaine
Et gonfle nos poils
Et gonfle nos cœurs
Je vogue droit vers le bout du monde.
Libre

Étoile d'Aurore arpentait le camp. Elle s'ennuyait, l'intégralité de son Clan ayant été porté disparu. Elle s'approcha de son Promontoire, admirant la structure rocheuse qui émanait d'elle. La grande pierre grise brillait sous les étoiles. Il faisait nuit. La chef du Clan du Vent leva la tête vers les cieux. Tout là-haut, la Toison Argentée brillait. Le Clan des Étoiles veillait sur elle. Ses prunelles d'un ambre teinté de vert exprimaient son désir d'être libre. Elle était devenue la meneuse du Clan du Vent parce que son père, le noble Étoile d'Aube l'était avant elle. Bien sûr, Aurore avait prouvé mainte fois sa sagesse et sa force, mais ce qu'elle aurait voulu être, c'était tout simplement être une simple guerrière. Ou mieux encore, une reine. Avoir des chatons, ç'aurait été le rêve... Mais non, une meneuse n'a pas le droit d'en avoir. Sa priorité est de protéger son Clan. Ce n'était pas en ayant des petits qu'elle le ferait, bien au contraire. La femelle au poil roux soupira. Un soupir las, triste. Un soupir où toutes les merveilles qu'elle aurait voulu avoir s'échappait de sa bouche. Sa fourrure était devenue grise argentée sous le clair de la lune. Sa queue touffue s'agita, montrant son mal à l'aise. Elle se souvenait fort bien les paroles de sa mère : « La Liberté il te faut Respecter. » Ou encore, celles de son père : « Mon temps est fini, je m'en irai sur d'autres chemins. Libre. »

Les larmes lui montèrent aux yeux. Ses parents étaient tous deux décédés. Chacun d'un assassinat injuste. Le cœur lourd de chagrin, un frisson parcourut son échine et ses poils se hérissèrent. Enfin, elle se souvint des mots de Brume Argentée, qui avait interrompu son combat contre Pelage de Pierre, l'ancien apprenti qui l'avait provoquée. « Si tu veux absolument te battre, commence par te battre contre toi-même. » La chatte rousse poussa un deuxième soupir. Brume Argentée, celle qui avait été son mentor, était morte également. Alors, perdait-elle tous les félins qui avaient une place spéciale dans son cœur ?

Griffe de Sang ne parvenait pas à dormir. Une mouche avait décidé de tourner autour d'elle, et uniquement autour d'elle, toute la nuit.
Elle s'était lavée. Six fois. Toilette complète. Mais rien à faire, la mouche était toujours là.
Elle se battait silencieusement avec l'indésirable.
La Guerrière arriva dehors. Et la mouche cessa de l'embêter. Elle s'assit, reposée, sur l'herbe.
Sur le Promontoire, elle vit une masse sombre, éclairée par l'aura argentée de l'astre gris.
Ses prunelles s'étaient rétractées. La chatte aperçut sa Chef, Etoile d'Aurore, allongée sur la pierre.
Elle semblait afficher un air serein, de loin, son regard éclairé par la Lune.
GdS ignorait si elle devait aller la voir. Devait-elle la laisser seule ou, au contraire, s'approcher ?
Certes, elle était Guerrière au Clan du Vent depuis des Lunes –pas autant qu'elle ne l'avait été à l'Ombre-, mais cela ne lui donnait pas droit d'aller voir la fille de son ancien meneur.
Etoile d'Aurore était une bonne Chef. Son père avait également été un bon Chef.
Griffe de Sang chassa ces pensées. Que lui importait-il d'un coup d'aller voir sa meneuse ?
Peut-être l'absence de son meilleur ami, de son ami, de la Chef de l'Ombre désormais au Clan des Etoiles qu'elle avait aimés…
Ces trois personnes avaient été les rares témoins des quelques moments d'affection dont elle pouvait faire preuve. Mais deux d'entre eux étaient morts, peut-être même que son meilleur ami l'était aussi.
Un instant, l'amertume l'étreignit de ses bras dangereux, puis elle reprit contenance, son regard voilé redevenu vif.

Griffe de Sang avait besoin, en vérité, d'avoir de l'affection de la part de quelqu'un. Mais elle l'avait renié, tant et si bien que cette pensée ne l'effleurait pas.
Aucune personne de sa famille n'avait montré signe d'affection envers un de ses membres. Sa mère avait donné quelques coups de langues, parfois, mais pas plus.
Seul comptait la performance, la puissance, la cruauté.
Elle se leva, et alla finalement auprès de la Chef du Vent.

La femelle s'était trompée. Non, Etoile d'Aurore n'était pas calme, épanouie, en cette nuit.
Elle paraissait plutôt triste, pensive.
La Guerrière ne dit rien, se contentant de s'allonger auprès de la chatte au pelage roux.

[Enfin quelqu'un <3]

Les yeux dans le vague, la jeune chatte rousse sentit plus qu'elle ne vit une odeur. Une odeur familière, une odeur amie. L'odeur de son Clan. Griffe de Sang, guerrière du Clan du Vent. La Meneuse savait qu'elle venait du Clan de l'Ombre, son odeur ne l'avait pas trompée. Mais elle était aussi loyale et fidèle bien qu'elle semblait austère envers les membres de la tribu. Les oreilles de la femelle au poil enflammé frémirent quand elle s'assit à ses côtés. L'Aurore lui murmura un "Bonsoir" assez timide et inclina sa tête vers la guerrière. La lune brillait haut dans le ciel. De minuscules étoiles brillaient dans le ciel sombre de la nuit. Et puis ... La Toison Argentée. C'était elle qui étincelait le plus. Elle sentit un long frisson parcourir son échine quand un nuage gris passa tout près de l'astre clair. Les deux chattes étaient allongées là, depuis un bon moment. L'Aurore, un tant soi peu gênée par le silence qui s'était installé entre elle, se décida à prendre la parole d'une voix neutre et douce à la fois.

« Hum ... Alors, Griffe de Sang, tu n'arrivais pas à dormir ? Serait-ce les ronflements des autres chats qui t'a réveillé ? Où les hululements des hiboux et des chouettes lointains ? Ou peut-être ... un autre sentiment, un sentiment qui t'aurait poussé à te lever ? »

Oh, qu'elle était embêtante, la jeune meneuse, avec ses questions trop directes ! Si Griffe de Sang ne répondait pas, l'Aurore ne s'en fâcherait pas. Elle avait toujours été trop "gamine", trop ... Immature pour son âge et pour son grade. Étoile d'Aube, lui, aurait tenu le Clan du Vent dans une seule de ses pattes et il serait le plus grand Chef de tous les temps, le plus grand meneur de la forêt ! Tandis qu'elle ... Elle, elle était une misérable. Elle revenait trop sur le passé, ne se concentrait pas assez sur le futur ou même le présent. C'était des sentiments contradictoires qui la poussait à faire cela. Sans qu'elle ne puisse rien y changer.